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Le nouveau mécanisme de soutien aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) Adopté par décret n°2.25.342 et publié au Bulletin officiel le 3 juillet 2025, constitue un jalon majeur dans l’opérationnalisation de la Charte de l’investissement. Ce dispositif vise à renforcer la dynamique entrepreneuriale, soutenir la création d’emplois durables et corriger les inégalités territoriales, dans un contexte économique marqué par la relance post-Covid et les ambitions de souveraineté industrielle du Royaume.

Le nouveau régime incarne un changement de paradigme dans l’approche de soutien public. Plutôt que de simples aides ponctuelles, il s’agit ici de bâtir un cadre incitatif, stable et lisible pour les entrepreneurs. En articulant les aides autour d’objectifs clairs (emploi, régionalisation, filières stratégiques), le Maroc amorce une transition vers une politique industrielle plus cohérente et inclusive.

Il est important de noter que ce décret s’inscrit dans une logique d’amélioration du climat des affaires, notamment en lien avec les recommandations du Nouveau Modèle de Développement. Le soutien aux TPME y est identifié comme un levier essentiel pour une croissance durable, inclusive et résiliente.

 

Des critères d’éligibilité précis et inclusifs

Pour prétendre à ce soutien, les projets d’investissement doivent répondre à plusieurs critères cumulatifs : un montant compris entre 1 et 50 millions de dirhams (MDH), un ratio prévisionnel d’au moins 1,5 emplois permanents créés par million de dirhams investis, un financement d’au moins 10 % en fonds propres, et une implantation dans un secteur d’activité validé régionalement. Cette approche assure une sélectivité intelligente, équilibrant rigueur et accessibilité.

Cette conditionnalité permet d’éviter les projets opportunistes et d’assurer que les fonds publics sont dirigés vers des investissements productifs, générateurs d’emplois et créateurs de valeur. Elle reflète une démarche axée sur la performance et l’impact économique.

Par ailleurs, la définition précise des secteurs éligibles, déterminée par les régions, offre une souplesse essentielle pour répondre aux spécificités locales. Cela ouvre la voie à une véritable territorialisation des politiques industrielles, adaptée aux potentialités de chaque bassin d’emploi.

 

Trois types de primes pour stimuler l’investissement ciblé

Le décret introduit trois primes cumulables (dans la limite de 30 % de l’investissement éligible) :

  • Prime à la création d’emplois stables (jusqu’à 10 %),
  • Prime territoriale (jusqu’à 15 % selon les zones A ou B),
  • Prime pour les activités prioritaires (10 %).
    Ces incitations financières visent à favoriser l’emploi, réduire les disparités régionales et renforcer les filières stratégiques à fort potentiel.

Chaque prime répond à une logique complémentaire : sociale pour la première, territoriale pour la deuxième, et industrielle pour la troisième. Leur combinaison permet de cibler simultanément les enjeux d’emploi, d’équilibre régional et de compétitivité sectorielle.

La limite de 30 % constitue un compromis judicieux entre incitation et efficience budgétaire. Elle assure un effet levier tout en maintenant la responsabilité financière des porteurs de projets.

 

Une approche différenciée selon le territoire

La prime territoriale accorde 10 % de subvention dans les provinces de catégorie A, et 15 % dans celles classées B, selon une liste à paraître. Cette différenciation géographique permet de corriger les déséquilibres régionaux, en attirant les investissements dans les zones moins développées. Cela s’inscrit dans une logique de justice territoriale et d’aménagement du territoire, chère au nouveau modèle de développement.

Ce choix renforce la cohésion territoriale, en dotant les zones périphériques d’outils de rattrapage. Il favorise l’émergence de nouveaux hubs économiques en dehors des traditionnels centres urbains.

La définition des catégories A et B devra être transparente et révisée régulièrement pour éviter les effets de rente territoriale et assurer une répartition équitable des ressources.*

 

 

Un focus sur les activités à fort impact structurel

La prime pour les activités prioritaires (10 %) concerne les projets ayant une valeur ajoutée stratégique. Elle vise les secteurs contribuant au « décollage économique », selon les termes du décret, ce qui suggère une orientation vers les industries de transformation, les technologies émergentes, l’agro-industrie ou les énergies renouvelables, sans en dresser encore la liste exhaustive.

L’objectif est clair : catalyser les investissements dans les domaines porteurs de compétitivité et de souveraineté économique. Cette logique de priorité sectorielle permet d’aligner les aides publiques avec les ambitions stratégiques nationales.

Pour être pleinement efficace, une publication rapide et claire des secteurs prioritaires est nécessaire. Elle favorisera la prévisibilité et l’alignement des projets d’investissement avec les objectifs publics.

 

TPME nouvellement créées : une intégration bienvenue

Le dispositif inclut également les entreprises créées depuis moins de trois ans, en allégeant la contrainte de chiffre d’affaires. Pour les entreprises plus matures, un CA compris entre 1 et 200 MDH sur l’une des trois dernières années est requis. Cette ouverture est essentielle pour dynamiser l’entrepreneuriat et réduire la mortalité des jeunes entreprises, souvent pénalisées par les conditions classiques de financement.

En levant la barrière du chiffre d’affaires pour les structures émergentes, le régime envoie un signal fort aux jeunes porteurs de projets. Il s’agit d’un encouragement direct à la création d’entreprise et à l’innovation.

Cette mesure favorise également l’inclusion des startups et des entreprises innovantes, qui peuvent contribuer de manière significative à la transformation de l’économie nationale, malgré leur jeune âge ou leur absence d’historique commercial.

 

 

Un rôle central confié aux CRI et à MAROC PME

Les Centres régionaux d’investissement (CRI) sont au cœur de l’écosystème. Ils recevront les dossiers de demande, évalueront l’éligibilité, calculeront les montants de subvention et élaboreront les conventions d’investissement. Ils travailleront en coordination avec l’Agence nationale pour la promotion de la PME (MAROC PME), ce qui renforce l’ancrage territorial et la proximité du dispositif avec les investisseurs.

Ce pilotage régionalisé permet d’accélérer le traitement des dossiers, d’améliorer la réactivité de l’administration et de garantir une meilleure connaissance du tissu économique local.

L’ANPME, de son côté, joue un rôle d’assistance technique et d’expertise. Elle peut contribuer à uniformiser les pratiques, à renforcer les capacités des CRI et à diffuser les bonnes pratiques en matière de promotion de l’investissement.

 

Modalités de versement rigoureuses et progressives

Le versement des subventions s’effectue en deux tranches pour les primes territoriales et prioritaires : 50 % après atteinte de la moitié de l’investissement prévu, et le solde à l’issue du respect des engagements contractuels. La prime à la création d’emplois est versée sur présentation des documents de la CNSS, garantissant une traçabilité et un ancrage dans l’économie formelle.

Cette méthode de versement progressif incite les bénéficiaires à respecter leurs engagements dans la durée. Elle instaure une culture de résultat et de responsabilité.

En liant les décaissements à des indicateurs concrets (investissement réalisé, emploi déclaré), le dispositif renforce la transparence et la crédibilité de l’action publique auprès des acteurs économiques.

 

Des plafonds de cumul maîtrisés

Le plafond de 30 % du montant d’investissement éligible pour le cumul des primes évite les effets d’aubaine tout en assurant un soutien significatif. Le décret autorise également le cumul avec les régimes régionaux de soutien à l’investissement, créant un environnement favorable à la synergie entre politiques publiques nationales et régionales.

Cette règle protège les finances publiques tout en laissant la place à une coordination intelligente entre les niveaux de gouvernance.

Les investisseurs les plus ambitieux peuvent ainsi construire des plans de financement hybrides et optimisés, en mobilisant les aides de manière complémentaire.

 

Un contexte politique et économique favorable

Ce dispositif s’inscrit dans la vision royale d’un Maroc productif et inclusif, exprimée à plusieurs reprises, notamment dans le discours du Trône de 2022. Il accompagne également la mise en œuvre de la loi-cadre 03.22, qui constitue le socle juridique de la nouvelle politique d’investissement. À l’heure où le pays cherche à reconfigurer ses chaînes de valeur et attirer les investissements privés, ce régime vient renforcer la compétitivité des TPME, qui représentent plus de 90 % du tissu économique national.

Le Maroc affiche des ambitions fortes en matière de réindustrialisation et de développement local. Ce nouveau régime traduit ces ambitions en mesures concrètes et structurées.

Il intervient également à un moment stratégique pour repositionner le Royaume comme plateforme industrielle régionale, notamment dans les secteurs à haute valeur ajoutée.

 

Recommandations pour renforcer l’impact

Pour maximiser l’efficacité de ce nouveau régime, plusieurs pistes peuvent être explorées :

  • Accélérer la publication des listes sectorielles et territoriales pour offrir une visibilité claire aux investisseurs,
  • Assurer une formation spécifique des agents des CRI pour accompagner efficacement les TPME,
  • Mettre en place un tableau de bord public de suivi des engagements et résultats, pour renforcer la transparence et la confiance.

Il serait aussi judicieux d’envisager une digitalisation complète du processus, incluant un portail national pour le dépôt et le suivi des demandes, afin de fluidifier la relation administration-investisseur.

Enfin, une campagne de communication ciblée et pédagogique pourrait permettre une meilleure appropriation du dispositif par les TPME, notamment en milieu rural ou dans les zones émergentes.

 

Un pas décisif vers une économie plus inclusive

Ce nouveau régime de soutien aux TPME marque un tournant stratégique pour l’économie marocaine. En conjuguant soutien à l’emploi, justice territoriale et valorisation des secteurs prioritaires, il offre un cadre cohérent, incitatif et structurant. Sa réussite dépendra désormais de sa mise en œuvre opérationnelle, de la mobilisation des acteurs régionaux, et d’une gouvernance efficace.

À travers ce dispositif, le Maroc confirme sa volonté de faire de ses TPME un moteur essentiel de la croissance économique, de l’innovation et de la création d’emplois durables.

Il reste désormais à surveiller de près les premiers bilans de mise en œuvre, et à ajuster les mécanismes si nécessaire, pour garantir un impact maximal et équitable sur l’ensemble du territoire national.

 

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